Je suis actuellement en train de lire l'autobiographie d'Isaac AsimovMoi, Asimov », éd. Folio SF, 2004) en vue de préparer un nouveau billet dans le cadre de la thématique « Mon Panthéon Personnel ».

C'est un ouvrage passionnant, chaque chapitre a son importance pour découvrir le personnage qui est surtout connu pour ses romans de science-fiction mais qui a aussi largement publié dans des domaines aussi divers que la chimie, la vulgarisation scientifique, le roman policier, la poésie et même le recueil de blagues.

Lorsque Isaac Asimov aborde l'antisémitisme, on sent ressortir son excellente connaissance de l'histoire du monde et sa position est clairement expliquée. J'ai trouvé sa démonstration et ses arguments tellement éblouissants que je me suis permis de vous les reproduire ici. J'espère que l'éditeur ne m'en voudra pas d'abuser un peu de mon droit de courte citation, mais ce ne sont que quelques pages parmi les 600 de cet imposant pavé.

7. L'antisémitisme

(...)

Mon père était fier de dire qu'il n'y avait jamais eu de pogrom dans sa petite ville natale, où juifs et gentils cohabitaient sans problème. En fait, lui-même avait pour ami un fils de gentils à qui il donnait un coup de main pour ses devoirs du soir. Après la Révolution, il s'avéra que l'ami d'enfance était devenu fonctionnaire local du Parti; à son tour, il aida mon père à réunir les papiers nécessaires pour émigrer aux États-Unis. Ce détail a son importance, car j'ai souvent lu sous la plume de romantiques échevelés que ma famille avait fui la Russie pour échapper aux persécutions. D'après eux, c'est tout juste si, pour quitter le pays, nous n'avions pas traversé le Dniepr en sautant de bloc de glace en bloc de glace, avec sur les talons une meute de chiens assoiffés de sang et la totalité de l'Armée rouge.

Évidemment il n'en est rien. Nous n'avons nullement été persécutés, et c'est en toute légalité que nous sommes partis de chez nous, sans plus de tracasseries administratives qu'on ne peut en attendre de la bureaucratie en général, et de la nôtre en particulier. Tant pis si c'est une déception.

Je n'ai pas non plus d'histoires horribles à raconter sur ma vie aux États-Unis. Littéralement, je n'ai jamais eu à souffrir d'être juif; je veux dire qu'on ne m'a ni frappé ni maltraité de quelque façon que ce soit. En revanche, j'ai été maintes fois provoqué, ouvertement par les jeunes butors, plus subtilement par les gens instruits. Mais j'acceptais; pour moi, ces choses faisaient inévitablement partie d'un univers que je ne pouvais changer.